La saison de Trabzonspor fut ambivalente à plus d’un titre jusque dans les dernières heures de 2019. Mais le club réussit à développer une identité locale très forte.
La première partie de saison de Trabzonspor fut pleine de promesses. Une belle troisième place au classement de Süper Lig à cinq points du leader Sivasspor. Ce qui n’a pas empêché le club de se séparer d’un commun accord de son entraîneur, Ünal Karaman. Hormis cela, l’histoire de Trabzonspor se repose sur la formation et la localité de la région pour rebondir et se renouveler.

Football local et jeunes pousses
Trabzonspor évoque souvent une passion des supporteurs débordante, parfois à contre-courant. Un amour invétéré pour le football et l’équipe étendard de la Mer Noire qui ne sont plus à prouver. Avec une autre facette qui lui permet de se régénérer chaque saison. Une culture de la formation et la production de pépites estampillées « Made in Karadeniz » (Mer Noire en turc, NDLR).

Cette aspiration pour la formation est autant une volonté du club qu’une nécessité. Si les clubs d’Istanbul peuvent attirer à coups de millions, la région de la Mer Noire a d’autres richesses à offrir. Un cadre idéal pour la pratique du football et un nombreux bassin de clubs. Que l’on songe à Giresunspor, Samsunspor, Akçaabat Sebatspor ou Çaykur Rizespor (en première division et dont le nom évoque un thé noir produit à Rize, NDLR).

Quant au club phare de la région, Trabzonspor a permis de faire éclore de nombreux talents à travers l’histoire. Le sélectionneur actuel de la Turquie, Şenol Güneş, est un pur symbole de la ville. Gökdeniz Karadeniz aussi, milieu de terrain offensif, double champion de Russie avec le Rubin Kazan (2008 et 2009). Le buteur Fatih Tekke, outre un championnat local (2007), raflera une Coupe de l’UEFA avec le Zenit Saint-Petersbourg en 2008.

1461, équipe pilote et Barcelone
Dans l’histoire de la formation de Trabzonspor, une équipe fait figure de symbole et de lien avec son passé. 1461 Trabzon comme l’année de la conquête de la ville par « Fatih Sultan Mehmet » (le Sultan Mehmet II le Conquérant, NDLR). L’équipe est chargée de faire le lien entre les deux entités. Celle-ci a pour but principal de mettre en valeur quantité de jeunes du club.

L’exemple le plus fort fut durant la saison 2012/2013 en deuxième division. L’équipe fanion terminera sur le podium avec un jeu léché. Une sorte de Masia sauce turque qui démontre, même indirectement, tout le potentiel de football d’une région dingue de ballon rond. En y incorporant progressivement quelques joueurs de valeurs.

Ces dernières années, Trabzonspor a mis en avant la performance individuelle. Le Lillois, actuellement blessé, Yusuf Yazıcı ou les deux Abdülkadir (Omür) et Parmak. Parmi les actuelles pépites, Abdurrahim Dursun (21 ans), arrière gauche, est à surveiller. Surtout, il faudra compter sur le défenseur central Hüseyin Türkmen. Estampillé à 100 % Trabzon et une future valeur sûre.
« La formation de jeunes doit être une politique nationale et guidée par la Fédération. Il faut créer des académies de football dans toutes les villes et former les jeunes à travers un modèle de sport-études. La formation est une mine d’or pour les clubs. Il n’est pas nécessaire d’aller voir ailleurs et dépenser plus. En la matière, Altınordu et Trabzonspor sont des modèles à suivre »
Feyyaz Uçar, buteur dans les années 80-90 et un des symboles de Beşiktaş (61 Saat)
Terroir promu et territoire valorisé…
Si les joueurs turcs ont leur place dans la formation locale, Trabzonspor aime le régional. Une idée de la valorisation de toute une région et de grands noms passés par le club. Parmi ceux qui firent les grandes heures du club, le plus célèbre et célébré fut sans conteste un Géorgien, passé par les Glasgow Rangers ou l’Ajax Amsterdam.

Shota Arveladze fut LE buteur du club au mitan des années 1990 avec son frère jumeau Archil. Un duo de feu qui passa tout près en 1996 d’un titre perdu contre Fenerbahçe (2-1). Dans une équipe composée pour moitié de natifs de la ville même (sans compter l’entraîneur, un certain Şenol Güneş, NDLR) ou de joueurs formés au club. Des Turcs, des Géorgiens, cette saison-là, Trabzonspor avait maximisé le potentiel de la Mer Noire.

Dès lors, Trabzonspor arrive à se tourner avec plus ou moins de succès vers un recrutement 100 % Mer Noire. Qu’ils fussent Géorgiens (Georgi Nemsadze, Gocha Jamarauli) ou Ukrainiens (Yuriy Shelepnytskyi, Maxim Romaschenko). Sans oublier la partie Caspienne avec le défenseur iranien Majid Hosseini depuis la saison dernière. Une certaine idée de la capacité à voir près de ses frontières pour faciliter les adaptations des joueurs.
Hamit Cihan, le formateur de Trabzon
Cette saison encore, de nombreux jeunes pousses sont dans l’antichambre du groupe. Une qualité de la formation valorisée par les propos du coordinateur sportif de Trabzonspor. Hamit Cihan, natif de Trabzon, expliqua dans un reportage l’importance donnée par le club à la formation. Hors football, outre les mathématiques, les sciences et la psychologie des joueurs sont des données valorisées. En prenant en compte les difficultés et l’entourage parfois envahissants des joueurs.
« Arda Akbulut (gardien, 18 ans) Koray Kılınç (attaquant, 19) et Kerem Baykuş (numéro 10, 19 ans) sont les nouvelles pépites de Trabzonspor et des sélections de jeunes de Turquie »
« La relève arrive » (Hürriyet)
Les relations entre 1461 Trabzon et Trabzonspor sont donc ténues afin de continuer sur cette voie. Le club est sur la même longueur d’onde que celui d’Altınordu. Faire de ces jeunes, des citoyens avant des footballeurs en leur donnant tous les outils comportementaux nécessaires à leur vie. Quel que soit le niveau, sur ou en dehors du terrain.

Un des clubs de Turquie le plus à cheval sur la notion de formation et la nécessité de développer des jeunes. Ces jeunes pourront comme Yazıcı être valorisé par la suite. Les résultats donnent raison et font que Trabzonspor arrive à se renouveller régulièrement. Par rapport aux recrutements onéreux des clubs d’Istanbul, ne serait-ce pas un modèle à adopter en Turquie ?
La formation, un mix entre envie et nécessité
Cette saison risque d’être un tournant pour le club. Dans une Süper Lig tendue et avec les difficultés des grosses cylindrées d’Istanbul. Pas facile de se faire une place et d’attirer des vedettes. Cette saison, hormis l’ancien attaquant de Liverpool Daniel Sturridge et un joueur en devenir, le Norvégien Alexander Sörloth, point de stars. Dans cette optique, pour Trabzonspor, la formation est autant une nécessité qu’une vraie politique définie à travers le temps.

Mais avec le départ de Karaman, quel sera le visage de l’équipe ? Ce dernier fut sélectionneur des Espoirs turcs et savaient doser jeunesse et expérience. Évidemment, le talent et la qualité sont dans l’antichambre d’un club tourné culturellement vers sa région. Surtout, l’occasion est belle de rafler ce titre tant attendu depuis la saison 1983/1984.

Depuis quelques années, la Fédération turque nomme les saisons et celle de 2019/2020 est « Cemil Usta Sezonu ». Du nom d’un ancien défenseur du club décédé en 2003. « Dozer » (pour son côté rugeux, NDLR) Cemil effectuera entièrement sa carrière à Trabzonspor. Dans cette optique, quel plus bel hommage ce serait que la jeunesse du club perpétue son souvenir avec un titre ? Pour continuer à entretenir formation, régionalité et football. Un bien beau tryptique.
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